"Porque la aflicción no sale del polvo, ni brota de la tierra la molestia; sino que, como los relámpagos se levantan para volar por el aire, así el hombre engendra su propia aflicción. Ciertamente yo en tu lugar buscaría a Dios, y encomendaría a él mi causa".
Job 5, 6-8

junio 04, 2013

Les choses qui refusent de disparaître



« Les choses qui refusent de disparaître »
A. Morillo, (République Dominicaine)
  
— Allô, Ada, ouvre-moi. Je suis là, dehors.
— Ah bon ? Vous avez acheté un portable ?
— Oui, Ada, ouvre-moi. Je me demande quand tu cesseras de te laisser aller comme ça.
— Voyons ce que vous avez acheté.
— Un Alcatel, tout simple. Et le fauteuil à bascule, où l'as-tu mis ?
— Attendez, Simon. Ils est dans la cour, avec les autres. Un homme qui retapait des châssis et paillait des chaises est passé hier, alors j'en ai profité pour les faire réparer.
— Cet homme est un artiste, Ada. Le résultat est vraiment superbe.
Pendant que Simón installait les fauteuils, Ada se rendit gaiement à la cuisine pour préparer un délicieux café de Colombie que lui avait envoyé une de ses belles-sœurs.

— Ada, tu n'as jamais réfléchi à l'immortalité du crabe ?
— Non. À quoi bon ?
— Moi, je crois qu'il la doit à la dureté de sa carapace et au fait que la salinité de la mer le conserve. Quoique, si on y regarde de plus près, la jaiba aussi est un crabe, mais d'eau douce. Le sel n'a donc rien à voir avec…
— Écoutez, si vous comptez m'entretenir de ces stupidités, dites-le tout de suite, que je m'en aille.
— Ne te mets pas dans cet état-là, Ada.
— Et dans quel état voulez-vous que je me mette, Simón ? Vous entendez ce que vous racontez ? Vous êtes un homme trop profond pour tomber dans ces bêtises-là.
— Je voulais conceptualiser, Ada. Comme nous l'a un jour conseillé notre président. J'ai eu envie de m'essayer à cet exercice.
— Ah, non, ici, non ! Amusez-vous à ça illeurs !
— Mon idée était qu'il y a des choses qui refusent de cesser de vivre. Tiens, prends le cas du réparateur de châssis ; qui a un lit avec châssis ? Cela n'existe pas, ou, du moins, je me figure que ça n'existe pas.
— Simón, les cyclones ont cette vertu de mettre à nu l'intégralité des misères humaines, tant matérielles que spirituelles. N'êtes-vous pas passé par La Barquita lorsque l'ouragan Georges a frappé ? Moi qui y ai travaillé en tant que volontaire, eh bien j'y ai vu quantité de châssis, de pieux, de canapés, de matelas en coton, et également des chaises et des fauteuils à bascule en pin et en paille. Il est vrai que j'ai aussi été surprise d'y trouver des chaînes hifi et des téléviseurs de 40 pouces que peu de personnes de la classe moyenne possèdent. Bref, j'imagine que si ce monsieur sort tous les jours pour exercer ce métier, c'est bien qu'il trouve des clients.
— C'est vrai, Ada. Mais, et le rémouleur…, et le type qui crie "fait briller vos chaudrons".
— Lui, il était dépassé par les événements juste avec les trois pauvres chaudrons que je lui ai confiés un jour.
— Il faut de tout pour faire un monde. Tu sais bien que j'ai été submergé par la nostalgie le jour où des Colombiens sont passés me proposer des photographies retouchées ; cela m'a renvoyé le souvenir d'un portrait de quand j'avais cinq ans. Ada, nous parlons d'une époque qui remonte à un peu plus de quarante ans, et ces gens exercent toujours la même activité. Voilà pourquoi je t'incite à réfléchir à l'immortalité du crabe.
— Ah, Simón ! Il faut voir ce qu'on devient avec l'âge !
— Mince, aujourd'hui, je suis vraiment en retard. On se voit bientôt. S'il y a quoi que ce soit, tu m'appelles sur mon portable.
— Et ne pensez plus à cela, Simón, prenez soin de vous.

Adalberto Morillo
Traduit par Caroline Lepage et Delphine Texier
(Université de Poitiers)
(Pour le compte du blog de traduction Tradabordo)

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